Sauver les orques résidents du Sud
Par le Dr. Lance Barrett-Lennard
Pour certaines Premières nations côtières de la Colombie-Britannique, l'épaulard est considéré comme le gardien de la mer, mais pour les épaulards de la côte sud de la Colombie-Britannique, il est temps que l'humanité joue le rôle de gardien et fasse davantage pour les protéger.
Aujourd'hui, la Fondation David Suzuki, la Georgia Strait Alliance, le Natural Resources Defense Council, la Raincoast Conservation Foundation et le Fonds mondial pour la nature (Canada) ont déposé une pétition pour un décret d'urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril pour les épaulards résidents du Sud. L'ordonnance décrit les mesures à prendre immédiatement pour faire face aux menaces qui pèsent sur cette population fragile.
J'ai discuté de ces menaces avec des collègues scientifiques à de nombreuses reprises au cours des derniers mois. Au cours de 28 saisons de recherche sur le terrain, j'ai étudié l'écologie et la biologie des comportements et des populations d'orques en Colombie-Britannique et en Alaska. Mes recherches actuelles sur le terrain utilisent la photogrammétrie aérienne par drone pour mesurer précisément l'état corporel de chaque membre des résidents du Sud. La comparaison de ces mesures au cours d'une même saison et d'une saison à l'autre nous permet, à mes collaborateurs et à moi-même, de détecter les grossesses, d'estimer les taux de croissance et de comparer la variation de la condition corporelle avec la variation de l'abondance des proies.
Cette population de baleines est en danger critique d'extinction. Lorsqu'elles ont été vues pour la dernière fois à la fin de l'été et à l'automne 2017, les résidents du Sud ne comptaient que 76 individus, leur niveau le plus bas depuis plus de trois décennies.
Après un récent "baby-boom" de neuf baleineaux nés vivants entre décembre 2014 et 2016, les résidents du Sud ont subi une série de revers. Trois de ces baleineaux sont morts depuis, ainsi que 11 autres membres de la population au cours de la même période, dont quatre femelles en âge de se reproduire, d'une importance critique. Autre observation préoccupante, l'un des trois pods de résidents du sud n'a produit aucun baleineau survivant depuis 2011.
Le saumon quinnat est l'espèce de proie préférée des orques résidents. La plupart des chercheurs s'accordent à dire que la réduction de la disponibilité des proies dans leurs zones d'alimentation estivale, ainsi que le bruit anthropique et les perturbations causées par les navires qui réduisent l'efficacité de la recherche de nourriture, sont les principaux facteurs de causalité des récents déclins de la population et constituent les plus grands obstacles à son rétablissement.
Les efforts de reconstitution et de restauration des divers stocks de Chinooks sont en cours depuis de nombreuses années. Bien que ces efforts aient été principalement destinés à soutenir les pêcheries et à conserver les stocks de Chinooks menacés, leur maintien et leur accélération constituent le meilleur espoir de rétablissement et de survie des orques résidents du Sud. Malheureusement, ces mesures peuvent prendre des années avant de produire des résultats positifs. Entre-temps, la petite taille de la population des résidents du Sud, sa tendance à la baisse, l'augmentation de ses taux de mortalité et le déclin de ses taux de reproduction indiquent qu'il est urgent, par mesure de précaution, d'accroître son accès au saumon à court terme.
Lorsqu'ils s'alimentent activement, les résidents du sud se déploient généralement individuellement ou en petits groupes, nagent relativement lentement et écholocalisent activement. Lorsqu'ils détectent un saumon quinnat, ils plongent et une poursuite s'ensuit. Cette poursuite est souvent très énergique et peut durer plusieurs minutes. Souvent, le saumon est chassé jusqu'à la surface et poursuivi rapidement juste en dessous. Si la baleine doit changer de cap pendant la poursuite pour éviter un bateau, le saumon peut s'échapper. De telles fuites peuvent être difficiles à détecter par un observateur en bateau, mais sont évidentes lorsqu'elles sont vues d'en haut, comme avec un drone. De nombreuses études ont démontré que les bruits anthropiques, tels que ceux générés par les bateaux à moteur, ont un effet de masquage sur l'écholocation et réduisent la distance à laquelle les proies peuvent être détectées. L'impact de cet effet de masquage sur les taux de recherche de nourriture est susceptible d'être plus grave lorsque les proies sont rares, ce qui rend les longues distances de détection particulièrement importantes. Ces deux facteurs indiquent qu'il est important que les bateaux restent à bonne distance des baleines.
Les épaulards résidents du Sud ont tendance à emprunter les mêmes itinéraires dans la mer des Salishs et à s'alimenter dans les mêmes zones. Ces itinéraires et ces zones d'alimentation sont bien connus des opérateurs commerciaux d'observation des baleines et des chercheurs, ce qui signifie qu'il existe plusieurs mesures à court terme pour accroître l'accès des épaulards résidents du Sud au saumon.
- Des restrictions de pêche qui augmentent le nombre de saumons quinnat qui reviennent dans les environs du fleuve Fraser. Les stocks doivent être sélectionnés en fonction de leur importance prévue pour les baleines, en tenant compte de la taille et du moment de la montaison ainsi que de la taille et de la qualité du poisson.
- La pêche et l'observation des baleines devraient être limitées sur les principaux sites de recherche de nourriture utilisés par les résidents du Sud.
- Les distances minimales d'approche des orques résidents du Sud par les bateaux de whale watching doivent être augmentées afin de réduire le bruit, les perturbations et les interférences avec la recherche de nourriture.
- Le nombre de bateaux s'approchant des orques résidents du Sud à un moment donné devrait être réduit, pour les mêmes raisons que ci-dessus. Les bateaux commerciaux d'observation des baleines devraient être autorisés et leur nombre devrait être plafonné.
La mise en œuvre et l'application de telles mesures, et leur adaptation au fil du temps, ne seront ni faciles ni universellement populaires, mais elles offrent au gouvernement du Canada l'occasion de démontrer son leadership en matière d'environnement. L'enjeu va bien au-delà du gain politique : il s'agit de l'avenir d'une population emblématique que des millions de personnes chérissent.
Le Dr Lance Barrett-Lennard est directeur du programme de recherche sur les cétacés à Ocean Wise et professeur auxiliaire au département de zoologie de l'Université de la Colombie-Britannique. M. Barrett-Lennard a coprésidé l'équipe de rétablissement de l'épaulard résident qui a produit la stratégie de rétablissement de l'épaulard résident du Sud en 2011 et a fait partie du groupe qui a rédigé le plan d'action pour le rétablissement de l'épaulard résident.
Posté le 30 janvier 2018 par Vancouver Aquarium