"Maman, tu m'entends ?"
Avec plus de 100 vols de drones, quatre semaines d'enregistrements presque continus de bélugas et des bélugas dans la baie Sainte-Marguerite presque tous les jours, la deuxième saison de la tour de recherche dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, au Québec, a été productive au-delà de nos rêves les plus fous. Il est difficile de croire qu'une autre saison s'est écoulée !
Cette année, nous étions une équipe de quatre scientifiques, contre trois (et parfois deux) l'an dernier. Le fait d'avoir plus de mains a permis de rendre un peu plus efficace l'éprouvant voyage jusqu'à la tour de recherche ainsi que le montage et le démontage de notre équipement chaque jour. La plate-forme de recherche sur les bélugas, qui mesure deux mètres sur trois, est aussi petite qu'elle en a l'air. Chacun de nous a donc essayé de rester dans un petit coin, en veillant à prévenir les autres s'il y avait un quelconque déplacement vers le "territoire" d'une autre personne.
Chacun d'entre nous avait une tâche à accomplir à la tour. Joséphine Schulze était responsable du travail de photo-identification : un aspect important de l'étude qui nous permet de savoir quelles baleines visitent la baie chaque jour. Jaclyn Aubin a utilisé notre petit drone pour survoler les groupes avec des baleineaux ou des jeunes d'un an, ce qui est essentiel pour son projet de maîtrise en sciences sur les soins coopératifs des jeunes. Son étude est très compatible avec notre étude en cours sur la communication mère-baleineau, qui examine comment le bruit peut perturber l'important lien acoustique entre les mères et leurs nouveau-nés (une collaboration entre Ocean Wise et le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins, à Tadoussac).
À cette fin, Marie-Ana Mikus et moi avons effectué des enregistrements acoustiques quotidiens à l'aide de deux hydrophones très sensibles et avons également piloté le drone (oui, nous sommes tous des pilotes de drone certifiés !), mais nous nous sommes concentrés sur l'ensemble du troupeau plutôt que sur de petits groupes focaux. En volant à haute altitude, nous avons obtenu des estimations précises de la composition du troupeau, du nombre total d'individus visitant la baie chaque jour, et du nombre de séparations et de réunions mère-veau, en jumelant ces informations avec nos enregistrements acoustiques. Nous avons suivi de près le nombre et le type de navires présents dans la zone, ainsi que leur distance par rapport à la tour et aux baleines.
Les sons de l'un de nos hydrophones ont retenti dans les haut-parleurs de notre ordinateur de terrain chaque minute de notre séjour à la tour. Lorsqu'il s'agissait de sons de bélugas, la sensation était merveilleuse. Nous avons souvent réfléchi au fait que ces sons nous étaient devenus familiers. Nous pouvions comprendre l'humeur (comme l'agression ou le jeu), nous pouvions percevoir si nous avions un groupe avec des petits baleineaux près de l'hydrophone (beaucoup de cris de contact !) ou un groupe de mâles (un ensemble de sons très différent !). Mais nous sommes encore très loin de déchiffrer le contenu exact de leurs signaux incroyablement divers. Marie-Ana compare cette situation à l'immersion dans une nouvelle langue étrangère pendant un certain temps, lorsque les sons deviennent familiers et que l'on commence à en saisir l'essentiel, mais que l'on ne peut pas encore comprendre la langue.
En revanche, lorsque ce qui retentit dans les haut-parleurs est le bruit des navires, la sensation n'est pas très agréable. Et cela, malheureusement, a eu lieu une grande partie de la journée. Si cela devenait fatigant pour nous, les humains de la tour de recherche, nous ne pouvons qu'imaginer ce que cela doit être pour des créatures très acoustiques comme les bélugas ! La bonne nouvelle : cette année, de nouvelles mesures de protection des bélugas ont été mises en place à la baie Sainte-Marguerite , faisant de ce secteur une zone d'exclusion. Nous sommes très curieux de comparer les enregistrements de cette année à ceux de l'année dernière, afin d'explorer dans quelle mesure les règlements ont fait une différence dans la qualité acoustique du paysage sonore de cette zone importante. À en juger par la quantité élevée de bruit sous-marin dans la zone cette année, nous avons l'impression que la différence n'est peut-être pas encore perceptible, car peu de gens sont au courant de la réglementation. Il faudra du temps, de l'éducation et de la mise en application pour commencer à voir la différence, mais c'est sans aucun doute un premier pas indispensable ! Les sanctuaires acoustiques sont essentiels pour les espèces sensibles au son, et nos chers bélugas du Saint-Laurent ont besoin de toute l'aide qu'ils peuvent obtenir.
Le Dr Valeria Vergara est une chercheuse de Ocean Wise qui étudie les communications acoustiques des bélugas. Cette recherche a été généreusement soutenue par le Fonds de conservation de Sea World et Busch Gardens, la Fondation de la faune du Québec, Earth Rangerset la Fondation Kenneth M. Molson.
Posté le 21 septembre 2018 par Ocean Wise